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Braconnage de loup : rétrospective morbide

Publié le 16 février 2009

Pièges, fusils, battues, poison, rien n’aura été épargné au loup pour le faire disparaître. Mais voilà qu’en 1992, il pointe à nouveau spontanément le bout de son museau. Une nouvelle chance est donnée à l’heure où l’essentiel des espèces régresse. Malheureusement, des relents d’autres temps planent toujours dans nos montagnes. Quoique macabre, FNE a souhaité dresser le décompte des loups morts sur l’autel de la bêtise humaine et de la haine de la nature.







Avec l’amélioration des connaissances scientifiques sur le rôle positif du loup dans l’écosystème et l’évolution des mentalités, l’on pouvait légitimement penser, qu’une fois la réponse apportée aux dommages causés sur le cheptel, une seconde chance serait donnée à Canis lupus.



Mais depuis le retour naturel du loup en 1992, chaque année la liste des loups empoisonnés ou abattus s’allonge. Avec l’expansion du loup hors du massif alpin, ces actes illégaux sortent des Alpes et gagnent petit à petit d’autres régions.



Le loup est une espèce protégée

Or, depuis le 22 juillet 1993, le loup, déjà protégé par l’Europe grâce à la Convention de Berne et à la directive dite « Habitats » est considéré comme une espèce protégée par la loi française. « La destruction, la mutilation, la capture ou l’enlèvement, la perturbation intentionnelle […] dans le milieu naturel » sont interdits. Sont également interdits, « la naturalisation de spécimen de cette espèce ou, qu’il soit vivant ou mort, leur transport, leur colportage, leur utilisation, leur détention, leur mise en vente, leur vente ou leur achat ». Une peine de six mois d’emprisonnement et de 9 000 euros d’amende est prévue et le juge peut ordonner la confiscation des armes et/ou des véhicules utilisés pour commettre l’infraction.

Mais les sanctions ne suffisent pas à faire taire les fusils et à arrêter le poison. Tout (re)commence en 1995 qui marque indubitablement le début des hostilités. L’opposition au loup s’organise, à grands renforts de déclarations provocatrices, de manifestations et de menaces parfois mises à exécution.



Les battues, une chasse d’un autre âge

Avec le retour du loup sont également revenues les battues. Elles ont fait leur retour dès avril 1996. Une dizaine de communes du Mercantour (Alpes Maritimes) ont mis en demeure l’État de procéder au retrait des loups, sans quoi elles organiseraient elles-mêmes des battues. Grâce à l’action de FNE, le tribunal administratif de Nice au début de l’année 1997 a annulé les délibérations des dix communes, une décision confirmée par la cour d’Appel de Marseille au début de l’année 1998. Mais au mois de juillet 1999, suite au dérochement de trois cents brebis, plusieurs communes des Hautes-Alpes décident à leur tour d’organiser des battues au loup – alors même que des chiens en divagation ont été repérés la veille aux alentours du troupeau-. Forte de son précédent succès, FNE a attaqué, à valeur d’exemple, la délibération du conseil municipal de Boulc-en-Diois qui finalement se rétracte. Par crainte, les autres communes décident également de retirer leur délibération. FNE a néanmoins décidé de déférer devant le tribunal administratif une commune qui avait oublié de le faire. Cette dernière a aussitôt retiré sa délibération.



Le loup au bout du fusil

Le 2 septembre 1995 en Tinée (Alpes Maritimes), un loup est abattu par un tir de chevrotines. Il ne sera malheureusement que le premier d’une liste qui ne cesse de s’allonger et ce dès le 17 septembre 1996 où une jeune louve est abattue par un chasseur sur la commune des Orres (Hautes-Alpes). La liste s’achève par les cadavres retrouvés ces derniers mois. Au mois de janvier 2008, le cadavre d’un loup abattu par une balle de chasse a été retrouvé sous un pont de la commune de Presle (Savoie). Un second loup a été retrouvé au mois d’octobre dernier à Villars-de-Lans (Isère). L’autopsie du cadavre a démontré que l’animal a été abattu par deux balles.

En une quinzaine d’années, une quinzaine de loups aurait donc péri par le fusil et leur dépouille a été quelque fois mutilée, démontrant la hargne des auteurs de ces actes. FNE a systématiquement condamné ces actes et a déposé plainte dans toutes les affaires lorsque cela était juridiquement possible. En effet, il faut rappeler que FNE n’avait pu déposer une plainte pour destruction d’espèce protégée pour la louve abattue au mois de septembre 1996. Le Conseil d’État avait annulé provisoirement la protection du loup, de l’ours et du grand hamster le 31 juillet 1996. Au regard de ce vide juridique, la seule menace qui pouvait peser sur le chasseur reposait sur le tir d’une espèce non chassable.



Le poison, l’arme fatale des lâches

Quoi de plus discret pour se débarrasser du loup que quelques boulettes de viande farcies de raticides ou des ampoules de cyanure maculées de boue accrochées au cou d’une vielle brebis ? Au début de l’été 1997, un loup est empoisonné en Roya. Un agneau avec un collier de capsules de cyanure avait servi d’appât (Voir encart). En mars 1998, un vomissement ensanglanté est retrouvé sur une piste de loup laissant penser à un empoisonnement par un raticide. Le 1er juillet 1999, la dépouille mutilée d’un loup est déposée devant les bureaux du Parc National du Mercantour. Les analyses mettront en évidence qu’il avait été victime du poison. En avril 2003, c’est un louveteau âgé quatre mois qui est retrouvé empoisonné. Il est malheureusement probable qu’il ne soit pas la seule victime car n’étant pas encore capable de se nourrir seul, les adultes du groupe ont également dû périr. Au début du mois d’août 2005, trois aigles royaux ont été retrouvés empoisonnés, laissant penser que le poison sévit toujours en montagne. Des brebis errantes avaient également été repérées par la gendarmerie sur la commune de Robine-sur-Galabre (Alpes de Haute Provence). Des capsules dissimulées par une enveloppe de terre étaient accrochées directement au lainage des brebis. Heureusement pour les militaires, ces capsules ne sont pas brisées.

Le poison est une arme particulièrement insidieuse car il n’est pas sélectif ; l’ensemble de la faune sauvage est touché et le danger n’exclut pas les êtres humains. Le cyanure n’est pas seulement mortel par ingestion, il l’est aussi par inhalation.

Dans ces cas d’empoisonnement de loups, la fédération a systématiquement porté plainte. Elle a également pris l’initiative de mettre en place des campagnes contre-poison et ce dès 1998.

Heureusement, les empoisonneurs ne sont pas à l’abri de la Justice. Grâce au travail d’enquête mené par la mission loup et les associations locales, deux affaires d’empoisonnement ont pu aboutir devant les tribunaux (Voir encart ci-après).



D’autres moyens plus marginaux

D’autres méthodes ont été utilisées pour parvenir à se débarrasser de Canis lupus. Fin 2001, dans les Hautes-Alpes, un éleveur a posé un piège à mâchoires qui s’est refermé sur un loup. La dépouille a ensuite été enterrée. L’ONCFS a pu retrouver le cadavre, ce qui a permis à FNE et au CRAVE de déposer plainte. L’éleveur a été présenté devant la justice et a écopé d’une amende de 2 000 euros avec sursis assorti de 2 000 euros de dommages et intérêts pour FNE et de 800 euros de frais de justice. Mais d’autres armes plus insolites ont été utilisées. Ainsi, le 14 avril 1995, une louve a été tuée vraisemblablement de manière délibérée par le conducteur d’une voiture sur une route des Alpes Maritimes.



Un bilan mi-victoire mi-défaite

Plus d’une vingtaine de loups a ainsi péri, et il ne s’agit là que de la partie émergée de l’iceberg. Combien d’autres loups tués et jetés au fond d’un ravin, comme celui retrouvé en 2006 à Canjuers (Var) ?

FNE s’est engagée, dès le retour du loup, à combattre ces actes contre-nature par des actions de terrain et par la voie juridique en déposant systématiquement plainte pour tous les actes de braconnage connus. Certaines de ces actions ont été couronnées de succès, grâce aux informations de terrain de nos associations membres, à la ténacité et à l’expertise de nos juristes. Mais beaucoup d’autres n’ont pu aboutir faute d’éléments permettant d’identifier les auteurs de ces actes illégaux.

Même si le climat général s’est nettement dépassionné, il nous faut rester sur le qui-vive et continuer à convaincre. La tâche serait sans doute plus aisée, si le ministère de l’écologie lançait un message fort pour rappeler la loi en déposant également une plainte systématique lorsqu’un acte de braconnage est commis et en acceptant de décompter du quota de six loups retenu dans le cadre du protocole, les loups abattus illégalement. Un pas qu’il n’a pas encore osé franchir.





Des capsules bien dangereuses

Au début de l’été 1997, pour en finir avec les attaques de loup sur son troupeau, un éleveur de la commune de la Brigue (06) a décidé d’utiliser un agneau en appât. Il attache des capsules de cyanure au collier de l’animal et le place en périphérie du troupeau. C’est d’abord un chien qui en fait les frais, avant finalement qu’un loup s’empoisonne. La dépouille est récupérée par l’éleveur qui tanne la peau et conserve la tête et les pattes. Ces trophées seront accrochés à une poutre de la cabane pastorale. L’instruction de l’affaire a été longue et a finalement été jugée en 2003. Le tribunal est allé au-delà des réquisitions du Procureur et a condamné l’éleveur à un mois d’emprisonnement avec sursis. FNE reçoit 1 euro à titre de dommages et intérêts et 400 euros de frais de justice. L’éleveur fera appel. Mal lui en a pris car fin mars 2005, la cour d’appel a alourdi sa peine à deux mois d’emprisonnement avec sursis et la publication de la décision dans Nice Matin.

Cette pratique semble hélas avoir fait école et il convient d’être vigilant face à toute brebis attachée à l’écart d’un troupeau.

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