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Hurler aux loups... pour mieux les compter

Publié le 27 mai 2009

Afin de suivre au mieux l’évolution de la population des loups en France, l’Office National de la Chasse et de la Faune Sauvage (ONCFS) complète les prospections hivernales par un suivi estival des loups par la méthode des hurlements provoqués visant à déterminer la reproduction au sein des meutes. L’Office vient de présenter ses résultats.

Mais avant d’en venir aux résultats, il semble important d’expliciter la méthode des hurlements provoqués.



Comment ça marche ?

Le suivi de l’évolution de la population du loup dans l’arc alpin et de sa répartition repose non seulement sur le pistage des traces en hiver et sur la collecte des indices de présence réalisée tout au long de l’année, mais est complété, depuis 2003, par une méthode qui vise à confirmer la présence des loups et évaluer éventuellement la reproduction par les hurlements provoqués (wolf howling).

Cette méthode, testée pour la première fois en France en 2003, consiste à imiter ou à diffuser des hurlements de loups. Par son comportement territorial, le loup ou la meute présents répondront. L’on confirmera ainsi l’occupation du secteur. Mais la méthode permet d’aller plus loin et d’établir la reproduction éventuelle des meutes. Comment ? Les jeunes quittant la tanière entre la mi-juin et la mi-juillet attendent les adultes partis à la chasse sur des sites de rendez-vous. C’est à partir de ce moment de l’année qu’il est possible d’évaluer la reproduction. Il est en effet possible de distinguer, pour une oreille exercée, dans les hurlements en réponse, les vocalises des adultes de celles des jeunes. Le repérage de jeunes permet donc d’établir que la meute s’est reproduite.

Cette méthode de dénombrement n’est utilisée que dans les Zones de Présence Permanente révélées lors du comptage hivernal précédent. Les séances d’écoute se déroulent la nuit, du 1er août au 15 septembre (période qui peut être étendue selon les conditions météorologiques), en coordination avec les équipes italiennes. Les prospections sont conduites jusqu’à six fois par meute et elles s’arrêtent dès que la présence de jeunes a pu être établie.

Ce dispositif demande des moyens humains très importants. Il nécessite également une grande coordination entre les équipes pour éviter que ne soient pris en compte des hurlements qui proviendraient en fait d’une équipe voisine.



Les résultats de la reproduction pour l’été 2008



Les prospections ont été conduites dans vingt-trois des vingt-cinq zones de présence permanente, entre le 1er août et la fin du mois de septembre. Les prospections ont été menées dans les deux nouvelles ZPP identifiées lors du comptage hivernal dans les massifs de Durbon Jocou (Hautes-Alpes/Drôme) et du Cheiron (Alpes Maritimes). Nouveauté : pour la première fois, cette méthode a été éprouvée dans le massif de Carlit dans les Pyrénées-Orientales.



En région Provence-Alpes-Côtes d’Azur, la présence des loups a pu être confirmée dans quatorze ZPP, dont deux transfrontalières, et la reproduction est attestée dans dix ZPP. Dans les Alpes de Haute-Provence, la reproduction a été facilement confirmée dans les meutes du Haut-Verdon Bachelard et du Grand Coyer. Pour la meute des Monges, les hurlements provoqués ont permis de contacter deux loups. La reproduction quant à elle a été établie en-dehors de ces prospections. Les contacts ont été plus difficiles à établir avec la meute des Trois-Évêchés. Il semblerait en effet que les habitudes d’occupation du secteur par les loups aient changé. Des changements apparaissent également pour la meute du Parpaillon-Ubaye. Selon les analyses génétiques, les loups présents dans le sud du Queyras et ceux de la Haute-Ubaye sont les mêmes. Si les séances de hurlements n’ont pas permis de contacter les loups, la reproduction est avérée grâce à une photographie de louveteaux prise en juillet. Des prospections conduites entre la meute du Parpaillon-Ubaye et celle de la Haute-Tinée, des contacts ont été enregistrées, un jeune et un adulte.

Dans les Hautes-Alpes, l’on sait maintenant que les loups ont pour habitude de passer l’été en Italie. La reproduction est attestée dans le Val Varaitta (Italie), qui sous réserve de confirmation qu’il s’agisse bien des mêmes individus, peut être considéré comme les quartiers d’été des loups de la meute du Queyras. Même constat pour la meute de la Clarée, où les réponses du côté italien démontrent la reproduction. Les yeux – ou en l’occurrence les oreilles - étaient surtout tournés vers la meute du Béal-Traversier qui aurait vraisemblablement perdu sa femelle alpha, alors gestante, suite à la collision avec une voiture en mai 2008. Les hurlements provoqués sont restés définitivement sans réponse, allant dans le sens de l’hypothèse de la disparition de la femelle dominante. Enfin, les efforts ont également été concentrés dans la nouvelle ZPP Durbon-Jocou. Les prospections ont confirmé l’observation de louveteaux réalisée au mois de juillet.

Enfin, dans les Alpes Maritimes, si la réussite de la reproduction a pu être démontrée dans les ZPP de Vésubie-Tinée, Haute-Tinée et Haute-Roya, en revanche, en 2008, une fois encore la reproduction n’a pu être décelée dans la meute de Moyenne-Tinée, et ce depuis 2004. Dans le Cheiron, suite à la confirmation génétique de la présence d’un mâle et d’une femelle cet hiver, le dispositif a été renforcé. Malheureusement, un seul individu a répondu et il semble donc qu’il n’y a pas eu reproduction. Pourtant, l’observation visuelle de cinq individus l’hiver dernier laissait croire à une reproduction possible.



En Rhône-Alpes, les prospections n’ont pas été conduites dans les Bauges et la Tarentaise car la présence de meute n‘avait pu être mise en évidence en 2008. Sur les sept ZPP prospectées, cinq ont démontré la présence de l’espèce. En revanche, la présence de jeunes n’a été décelée que dans deux meutes. Les prospections ont été rendues difficiles du fait de mauvaises conditions météorologiques, mais aussi des changements des sites de rendez-vous opérés par les loups.

Dans la Drôme, la meute du Vercors Ouest a rapidement donné de ses nouvelles en confirmant de plus la reproduction. Sur les Hauts Plateaux du Vercors, malgré la présence de plusieurs individus vraisemblablement constitués en meute, un seul individu a répondu et la reproduction n’a pu être démontrée et ce depuis trois ans. En Isère, malgré de nombreuses séances, les hurlements provoqués n’ont donné aucun résultat. Une observation visuelle de deux loups en juillet semble bien maigre pour confirmer une reproduction. En Savoie, il semble que l’éclatement de la meute du Thabor-Galibier se confirme. Il faudra attendre les résultats des analyses génétiques et le prochain suivi hivernal pour préciser la situation. En Haute-Maurienne, les séances d’écoute ont été gênées par des protestations locales. Elles ont néanmoins permis d’obtenir les hurlements d’un individu. Les résultats ne sont guère plus importants pour le massif de Belledonne où, suite à une succession de tirs (légaux et braconnages), il semblerait que la meute a été profondément perturbée. Les prospections ont été en revanche plus encourageantes en Haute-Savoie. L’observation de deux louveteaux, la veille de l’opération, venait déjà indiquer la réussite de la reproduction.



Enfin, pour la première fois, le dispositif des hurlements provoqués a été mis en place dans les Pyrénées-Orientales. Il n’a pas permis de d’obtenir des réponses de la part des loups, ni côté français, ni côté espagnol.



En conclusion, sur les vingt-trois ZPP, les contacts avec les loups ont pu être établis dans dix-neuf d’entre-elles. Douze meutes sont reproductrices, dont dix dans la région Alpes-Provence-Côte d’Azur. Même si aucun hurlement en réponse n’a été obtenu dans le massif du Carlit, l’opération aura servi de test pour la saison prochaine.



Ne pas hurler avec les loups

Il faut rappeler que le hurlement a de nombreuses fonctions, dont certaines sont encore inconnues. Émis toute l’année - avec néanmoins une fréquence ralentie entre mai et juin probablement pour éviter de trahir la tanière -, de jour comme de nuit, le hurlement exprime avant tout la cohésion de la meute. Les loups se rassemblent donc autour de ce chant avant d’aller à la chasse ou après une chasse réussie. Mais le hurlement a aussi pour fonction de défendre le territoire. Il implique pour une meute qui entendrait d’autres hurlements une mobilisation pour défendre son territoire. Aussi, des hurlements intempestifs constituent une perturbation des loups pouvant conduire à une utilisation raccourcie des sites de rendez-vous aller jusqu’à en entraîner l’abandon. Hurler avec les loups n’est donc pas anodin. D’ailleurs la règlementation ne s’y trompe pas. La perturbation intentionnelle des mammifères protégés, dont le loup, est interdite. Cette méthode ne devrait donc être réservée qu’au suivi scientifique et être définitivement bannie des sorties à visées pédagogiques.



Sources : Bulletin Quoi de neuf n°20 – Réseau Loup Lynx – ONCFS-2009



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